Piloter la coordination ARS-Direction : Les clés pour les établissements pour personnes handicapées

22 octobre 2025

Le contexte institutionnel : Pourquoi la coordination D3S-ARS est-elle cruciale ?

Dans le secteur médico-social, les Agences Régionales de Santé (ARS) jouent un rôle central : elles définissent les grandes orientations de santé publique, autorisent l’activité des établissements, contrôlent la qualité et financent en partie les services. Pour les structures accueillant des personnes en situation de handicap (IME, MAS, FAM...), la relation avec l’ARS est donc stratégique.

Le directeur D3S (Directeur d’établissement sanitaire, social et médico-social) n’est pas seulement gestionnaire ; il est aussi un interlocuteur direct de l’ARS, garant du respect des normes et du pilotage institutionnel. D’après la Cour des Comptes (rapport 2023), 94% des établissements pour personnes handicapées dépendent directement des notifications de l’ARS pour leurs capacités d’accueil, leur financement et leurs projets de transformation (source : Cour des Comptes).

Les trois enjeux majeurs de cette coordination :

  • Respect des obligations légales et réglementaires
  • Sécurisation des financements et co-construction des projets
  • Qualité et amélioration continue de l’accompagnement

Comprendre le rôle de l’ARS dans les établissements pour personnes handicapées

L’ARS intervient à chacune des grandes étapes de la vie d’un établissement :

  • Autorisation d’ouverture (instruction du dossier, audit préalable : décret n° 2009-1060 du 28 août 2009)
  • Fixation des budgets et allocations (via la procédure de l’état prévisionnel des recettes et des dépenses, ou EPRD : circulaire DGCS/MCGR/2016/132)
  • Contrôle qualité et évaluation (contrôle programmé ou inopiné, suivi RSQA, certification HAS depuis 2022, etc.)
  • Accompagnement des transformations (ex : déploiement des dispositifs d’habitat inclusif, réponse à l’appel à projets, ESMS numérique...)

Un chiffre-clé : En 2022, l’ARS Île-de-France a instruit plus de 600 projets d’évolution de places ou d’ouverture de nouvelles capacités dans le secteur du handicap (source : rapport ARS IDF 2022).

Le pilotage de la coordination : missions et méthodes du directeur D3S

La coordination n’est pas un simple échange formel ; c’est un processus continu, organisé et structurant. Le directeur D3S adopte plusieurs leviers :

1. Construire et entretenir une relation de confiance

  • Identification claire des référents ARS : dès la prise de poste, le directeur D3S cartographie les interlocuteurs stratégiques de la délégation départementale et du siège régional ARS (chargé de suivi sectoriel, contrôle de gestion, cellule médico-sociale...).
  • Proactivité dans la communication : au-delà des obligations règlementaires, le directeur D3S prend l’habitude d’anticiper les besoins d’information de l’ARS (rapport d’incidents, anticipation d’évolution d’effectifs, etc.) et sollicite les retours lors de points réguliers.
  • Présence active dans les instances : participation aux groupes de travail pilotés par l’ARS (ex : groupe « dispositifs d’accompagnement innovants » en Gironde), valorisation des initiatives locales à l’Observatoire national du secteur médico-social.

2. Maîtriser le pilotage budgétaire avec l’ARS

  • Réalisation rigoureuse de l’EPRD : chaque année, le directeur D3S transmet à l’ARS le budget prévisionnel de l’établissement, argumenté (éléments d’activité, justification des variations de charges, projections d’activité APAQH ou FAM), selon les modèles imposés.
  • Négociation des financements exceptionnels : pour la gestion de la crise Covid-19, près de 80% des établissements pour adultes handicapés ont sollicité l’ARS pour des financements complémentaires (source : DREES, 2022). La capacité à justifier clairement les besoins spécifiques constitue un atout différenciant.
  • Retour d’expérience et dialogue de gestion : le directeur utilise les bilans partagés avec l’ARS pour identifier les marges de progrès, préparer les justifications en cas de contrôle, et anticiper les réaffectations budgétaires.

3. Traduire les évolutions réglementaires et sanitaires en actions concrètes

  • Mise en conformité immédiate face à de nouvelles exigences (par exemple : RGPD en 2018, réforme de l’évaluation HAS en 2022, dispositifs PAI et EVACOM...).
  • Plan d’action sur les recommandations ARS : à l’issue d’un contrôle, le directeur formalise un plan d’actions correctives, avec échéances et indicateurs de suivi (80% des établissements contrôlés sont sujets à recommandations, source ARS PACA 2021).
  • Déploiement de projets innovants en lien avec les orientations de l’ARS (dispositifs de réponses coordonnées, ESMS numérique, habitat inclusif, etc.).

4. Prévenir, gérer et remonter les situations critiques

  • Procédure de signalement : en cas d’incident grave (maltraitance, accident, fermeture partielle), le directeur notifie sans délai l’ARS via la plateforme Vigillance et Qualité (loi 2002-2). En 2022, 412 établissements ont transmis une alerte pour “événement indésirable grave”, avec suivi par l’ARS en moins de 48h (source : Drees, 2023).
  • Collaboration avec les cellules d’appui ARS : gestion des clusters Covid-19, renfort d’équipes internes, soutien médico-psychologique, dispositifs d’aides d’urgence.

Concrètement : outils, bonnes pratiques, exemples de coordination efficace

Au quotidien, la coordination ARS-D3S repose sur des outils et méthodes éprouvés :

  • Tableaux de bord partagés : suivi d’activité, taux d’occupation, indicateurs RH, taux de notifications MDPH, etc.
  • Systèmes d’information sécurisés : échanges via Portail National d’Admission (via l’application VIATRAJECTOIRE), remontée de données FINESS, utilisation croissante d’ESMS numérique (44% des ESMS ont lancé leur chantier SI en 2023, source CNSA).
  • Réunions de suivi régulières : points trimestriels ou semestriels avec la délégation départementale, réunions de crise à la demande, visites sur site par l’ARS.
  • Partage d’expériences inter-établissements : dans 1/3 des cas, l’ARS favorise la mutualisation (groupes de travail handicap rare, réseaux de directeurs, etc.; source : rapport Igas 2021).

Exemple concret : En région Auvergne-Rhône-Alpes, lors de la généralisation de la plateforme d’accompagnement et de répit pour aidants, les directeurs D3S ont co-construit avec l’ARS une cartographie partagée des besoins, permettant d’orienter rapidement les notifications MDPH et d’éviter les ruptures de parcours (Source : ARS AURA, 2023).

Facteurs de réussite et défis persistants

La coordination ARS-D3S atteint sa pleine efficacité quand :

  • Le directeur prend l’initiative du dialogue (« gestionnaire proactif », aujourd’hui valorisé par les rapports régionaux d’inspection).
  • L’établissement formalise ses pratiques (procédures écrites, outils partagés, référents qualité identifiés).
  • La culture du retour d’expérience est solide, avec accompagnement du changement (ex: déploiement du Dossier Usager Informatisé, cité dans le rapport CNSA 2023).

Cependant, certains défis majeurs demeurent :

  • Hétérogénéité des pratiques régionales : la fréquence et la fluidité de la relation ARS-D3S varient selon les régions ; à volume d’activité équivalent, le délai de réponse peut aller de 2 jours à 3 semaines sur certains dossiers (Igas, 2022).
  • Lourdeur administrative : 67% des directeurs de FAM ou MAS interrogés par l’Ancreai estiment que la gestion réglementaire reste trop chronophage au détriment de la prise d’initiative (enquête 2023).
  • Manque de ressources internes : la capacité à mobiliser des compétences “qualité” ou “SI” conditionne la rapidité d’adaptation aux évolutions demandées par l’ARS.

Des perspectives pour mieux réussir demain

Quels leviers pour renforcer cette coordination à l’avenir ?

  • Renforcer la professionnalisation des directeurs : la formation D3S met de plus en plus l’accent sur le pilotage de la relation ARS, à travers de cas pratiques et des mises en situation (cf. évolution du référentiel EN3S 2024).
  • Favoriser la dématérialisation : généralisation des SI partagés, outils de visioconférence, échanges sécurisés améliorent la fluidité des dossiers (cf. projet national Ma Santé 2022).
  • Encourager l’innovation organisationnelle : expérimentation de “référents parcours” au sein même des ARS pour chaque grand type de handicap, simplification des procédures dans le cadre de la réforme SERAFIN-PH, recours à l’intelligence artificielle pour la gestion des notifications, etc.

À mesure que les attentes évoluent – plus de personnalisation, co-construction des réponses, adaptation continue aux besoins des personnes accompagnées – la collaboration entre directeurs D3S et ARS s’affirme comme une pièce maîtresse : à la fois garant du respect des missions de service public, et levier de transformation en faveur des personnes en situation de handicap. Pour aller plus loin :

  • Evaluation HAS des ESMS
  • Présentation des ARS
  • Rapports ARS régionaux annuels (en accès libre sur les sites des ARS)
  • Drees, études et résultats n°1250, « Les établissements pour personnes handicapées en chiffres »