Les missions et responsabilités du dirigeant d’un établissement sanitaire, social ou médico-social : comprendre l’exigence du métier

21 août 2025

Un chef d’établissement au cœur du système de santé et de solidarité

En France, les directeurs d’établissements sanitaires, sociaux et médico-sociaux dirigent un tissu de près de 40 000 établissements (source : Drees, Panorama des établissements sanitaires et médico-sociaux, édition 2023), soit environ 1,3 million de places (secteur public, associatif et privé confondus).

  • Sanitaire : hôpitaux locaux, centres de soins de suite et de réadaptation, cliniques psychiatriques, etc.
  • Social : établissements pour personnes en situation de précarité, centres d’hébergement d’urgence, établissements pour enfants placés, etc.
  • Médico-social : établissements pour personnes âgées dépendantes (EHPAD), maisons d’accueil spécialisées, foyers pour adultes en situation de handicap, etc.

Le directeur y incarne le représentant légal, la figure de l’autorité et le révélateur des orientations de la politique sociale et de santé sur un territoire donné.

Des missions transversales autour de l’humain, du pilotage et du respect du cadre légal

Pilotage d’établissement et animation des équipes

Le directeur n’est pas qu’un gestionnaire administratif. Il impulse la dynamique collective et garantit la sécurité et la qualité d’accompagnement des bénéficiaires. Ses responsabilités incluent :

  • Recrutement et management : les effectifs varient de quelques dizaines à plusieurs centaines de salariés selon l’établissement. Dans le secteur public, les D3S peuvent encadrer jusqu’à 800 agents, voire plus pour les grands établissements multi-sites (source : ANFH).
  • Développement des compétences : mise en place de plans de formation, entretiens professionnels, gestion des carrières, accompagnement des équipes éducatives, soignantes, administratives et techniques.
  • Dialogue social : gestion des instances représentatives (CTE, CHSCT, désormais fusionnés en CST dans la fonction publique hospitalière), prévention des conflits, négociation avec les partenaires sociaux.

Organisation des parcours et qualité de l’accompagnement

  • Sécurité et bientraitance : les D3S doivent mettre en œuvre les recommandations de la Haute Autorité de Santé (HAS), garantir des protocoles respectueux de la dignité, gérer les situations de maltraitance ou de signalement (cf. loi du 2 janvier 2002 rénovant l’action sociale et médico-sociale).
  • Innovation et projet d’établissement : élaboration, pilotage et évaluation du projet d’établissement ou de service (obligatoire tous les 5 ans), promotion de démarches d’amélioration continue et de certification qualité.
  • Soutien des parcours individualisés : adaptation des pratiques aux besoins nouveaux (développement de l’accueil de jour en EHPAD, dispositifs d’accompagnement inclusif).

Gestion administrative, budgétaire et réglementaire

  • Élaboration du budget : la masse salariale représente entre 65 % et 80 % des budgets, selon la structure (source : FHF, chiffres-clés établissements médico-sociaux 2022). Les directeurs gèrent parfois plus de 10 millions d’euros/an.
  • Gestion des ressources : suivi des marchés publics, des investissements immobiliers, des achats, logistique (règles de comptabilité M22 pour le secteur public).
  • Respect des normes : veille sur la réglementation (droit du travail, Code de l’action sociale et des familles, actes délégués médicaux, sécurité incendie, conformité accessibilité, RGPD…)
  • Relations avec les tutelles : échanges avec l’ARS, les conseils départementaux, la CNSA, l’assurance maladie, rédaction de rapports d’activité, contrôle des obligations légales.

Responsabilités juridiques : le poids du statut et la protection des usagers

Le D3S est le représentant légal de sa structure. Il engage chaque jour sa responsabilité civile, administrative et parfois pénale.

  • Responsabilité administrative : le directeur doit garantir le respect du contrat d’objectifs et de moyens signé avec les autorités de tarification et de contrôle, la conformité réglementaire des actes, et l’assurance qualité des prestations.
  • Responsabilité pénale : elle est engagée en cas de manquement grave (mise en danger, manquement à l’obligation de sécurité, violences à l’encontre de personnes vulnérables…).
  • Responsabilité civile : en cas de dommages causés aux personnes accompagnées ou au personnel dans le cadre de la vie de l’établissement.

Selon la Fédération hospitalière de France (FHF), près de 25 % des directeurs publics font l’objet d’au moins une enquête administrative ou judiciaire dans leur carrière, principalement pour des problématiques de sécurité et de santé au travail.

La loi, socle de l’action du D3S

  • Protection juridique des personnes : la législation impose la mise en place de référents « bientraitance » et la prise en charge des situations de maltraitance, notamment depuis la création de la procédure de signalement obligatoire (Décret n°2022-1686 du 28 décembre 2022).
  • Obligations d’affichage et de transparence : respect des droits des usagers (accès au dossier, livret d’accueil, règlement de fonctionnement, conseil de la vie sociale…)

Piloter le changement dans un secteur en mutation

Le secteur sanitaire, social et médico-social est en pleine transformation. L’allongement de la durée de vie, la complexité croissante des situations de handicap, la crise des vocations, mais aussi les attentes d’inclusion et de démocratie en santé dessinent de nouveaux défis pour les directeurs.

  • Gestion des crises : la crise sanitaire liée à la Covid-19 a mobilisé des compétences exceptionnelles (plan blanc, adaptation des effectifs et des flux, communication de crise avec familles et autorités). 68 % des directeurs déclarent avoir dû inventer de nouvelles pratiques de pilotage durant l’épidémie (Enquête fédération AD-PA, 2021).
  • Conduite de projets numériques : généralisation du Dossier Usager Informatisé (DUI), développement de la télémédecine, participation aux projets de modernisation de l’offre, sécurisation des données personnelles (obligation RGPD depuis 2018).
  • Ouverture sur le territoire : développement des coopérations (GHT, rapprochements médico-sociaux), dialogue avec les élus, les familles, les réseaux associatifs...

L’un des enjeux majeurs reste l’attractivité du secteur : en 2023, près de 9 % des postes de D3S étaient vacants dans le secteur public (source : Gazette des communes).

L’animation d’un collectif : leadership et éthique

Les qualités humaines du directeur d’établissement sont déterminantes. Il doit incarner :

  • L’écoute et le courage managérial : arbitrer, décider, faire évoluer les pratiques sans perdre le sens du collectif.
  • La capacité à fédérer : mobiliser des équipes très pluridisciplinaires (infirmiers, aides-soignants, éducateurs, psychologues, techniciens, administratifs…)
  • L’engagement éthique et la loyauté : le cadre de direction doit garantir l’équité, la non-discrimination et l’inclusion, dans des contextes parfois tendus (pénurie de personnel, situations de crise).

À titre d’exemple, dans les EHPAD, le turnover annuel des agents a dépassé 20 % à l’été 2022 (Drees, rapport « Personnes âgées », 2023), illustrant la nécessité de cultiver un climat social solide et respectueux.

Perspectives et évolutions du métier

Le périmètre d’action du D3S tend à s’élargir :

  • Mutualisation de fonctions supports : gestion partagée de ressources ou de services sur plusieurs établissements (RH, finances, achats...)
  • Projet d’inclusion et développement à domicile : le champ du médico-social promeut de plus en plus le « hors les murs », avec des directeurs pilotes de plateformes territoriales d’appui et de dispositifs d’accompagnement mobile.
  • Positionnement à l’international : certains établissements tissent des liens de coopération avec d’autres systèmes de santé européens ou promeuvent des labels qualité reconnus à l’étranger.

Vers une direction de plus en plus stratégique, porteuse de transformation

Le poste de directeur d’établissement sanitaire, social ou médico-social exige une polyvalence peu commune : il s’agit d’être gestionnaire rigoureux, chef d’équipe inspirant, juriste averti, innovateur, tout en gardant une vision centrée sur la personne. Face à la complexité croissante des besoins, les D3S occupent une place charnière entre les usagers, les familles, les autorités et les équipes. Ce rôle clé renforce la nécessité de s’y préparer avec sérieux et passion, d’autant plus qu’il porte le sens du service public et la promesse d’une société plus juste et inclusive.